Cou d’Appel ROUEN (23 février 2023 n°21/00038), absence rapport d’IPP par la CMRA et inopposabilité.
Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il est possible que la consolidation de son état de santé soit accompagnée de séquelles indemnisables.
Dans cette situation, le médecin conseil fixe un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) et cela impacte (assez fortement) le compte employeur.
L’employeur peut contester le taux attribué et pour cela il est impératif de saisir une Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA), à peine d’irrecevabilité du recours judiciaire ultérieur.
Dans ce cadre « amiable », la CMRA est soumise au Code de la sécurité sociale et doit transmettre le rapport d’évaluation des séquelles au médecin désigné par l’employeur (il s’agit du rapport établi par le médecin conseil de la CPAM résumant les séquelles et fixant le taux).
Toutefois, en pratique et en l’espèce, la CMRA ne transmet pas toujours le rapport au médecin désigné par l’employeur.
La Cour devait donc déterminer les conséquences juridiques attachées à ce manquement.
Ici, et de manière un peu isolé pour le moment, la Cour d’appel de ROUEN a retenu :
– Les pièces permettent un débat contradictoire (même avant le judiciaire) ;
– La CMRA doit être un recours effectif et « retenir que la communication des pièces peut intervenir seulement dans le cadre de la procédure judiciaire, revient à vider les textes de leur substance et à priver d’effectivité les dispositions susvisées » ;
– L’avis « in abstracto » de la Cour de cassation ne permet pas d’écarter la violation « in concreto » du recours effectif pour l’employeur.
En effet, dans ce contentieux, la Cour de cassation avait rendu un avis le 17 juin 2021 précisant que le recours judiciaire ultérieur était suffisant pour écarter les conséquences juridiques de l’absence de transmission du rapport par la CMRA.
La Cour d’appel vient donner raison aux argumentaires développés en faveur de l’inopposabilité dans cette situation, ce qui apparait particulièrement positif et conforme aux textes.
Cela pourrait mettre fin à la situation intenable suivante concernant le texte :
– imposant à l’employeur de saisir la CMRA à peine d’irrecevabilité du recours judiciaire ultérieur ;
– n’imposant rien à la CMRA qui n’est pas tenue de transmettre le rapport (certaines le font, d’autres non, rompant ainsi l’égalité face aux textes, et laissant un pouvoir d’appréciation aux CMRA assez inexplicable).
Un texte assorti d’une force contraignante à géométrie variable peut se concevoir, mais doit être particulièrement justifié et objectivement nécessaire selon notre analyse.
Au final, cet arrêt demeure assez isolé, de nombreuses Cours d’appel tenant une position inverse.
La position de la Cour de cassation (il semble qu’un pourvoi ait été interjeté par la CPAM) sera intéressante à connaitre.