Cour d’appel de METZ, 27 mai 2024 n°22/01588, la reconnaissance en accident du travail d’une altercation provoquée par le salarié lui-même.
L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale indique que l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail est présumé imputable au travail, qu’elle qu’en soit la cause.
« Qu’elle qu’en soit la cause », tel est le thème abordé par l’arrêt et plus précisément l’objet de la preuve permettant de renverser la présomption.
Ici, la CPAM a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, d’un salarié ayant déclaré des lésions psychologiques à la suite d’une altercation physique avec un collègue.
L’employeur a contesté cette décision en arguant que le salarié était en réalité à l’origine de la rixe, ce qui selon lui écarterait la prise en charge.
Toutefois, la Cour d’appel a confirmé l’origine professionnelle de la lésion consécutive à la confrontation physique engagée par le salarié lui-même :
« La prise en charge comme accident du travail d’une altercation dans l’entreprise est admise quand bien même le salarié qui s’en prétend victime en aurait pris lui-même l’initiative, dès lors que la rixe a bien une origine professionnelle et que le salarié ne s’est pas soustrait à l’autorité de son employeur ».
Ainsi, la Cour a écarté l’argument de l’employeur en rappelant que seuls deux moyens pouvaient prospérer :
- La preuve de la soustraction du salarié à l’autorité de l’employeur ;
- La démonstration établissant que la rixe aurait une cause non professionnelle.
Il peut en être déduit que la réaction de l’employeur face à une rixe doit s’articuler autour de ces deux axes et qu’il est vain de déterminer si le salarié est à l’origine ou non de l’altercation physique.
Cela appelle une observation principale.
En effet, il peut paraître sévère de faire peser sur l’employeur les conséquences d’un accident du travail dans ces circonstances, et plus précisément dans le cas d’une altercation provoquée par le salarié qui s’en prétend victime ensuite.
Néanmoins, il semblerait que l’employeur n’ait pas usé de l’argument idoine, comme semble l’indiquer la Cour dans sa motivation.
Ainsi, il ne peut être déduit de l’initiative de la rixe par le salarié sa supposée soustraction à l’autorité de l’employeur.
Cette indifférence quant à l’étiologie de la lésion physique est constante et explique notamment certaines reconnaissances des suicides en accident du travail, lorsqu’ils sont survenus à l’occasion ou par le fait du travail.
Cependant, une approche différente pourrait être proposée et serait peut-être plus adaptée à l’analyse du caractère professionnel d’une rixe.
En effet, la jurisprudence admet en l’état que l’entreprise est tenue responsable des dommages subis par son salarié, sans faute requise de la part de l’employeur, comme il le serait dans le cadre du régime du droit des biens (ce qui ne manque pas d’interroger sur la qualification juridique globale appliquée au salarié).
Or, ce système rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre en présence d’un fait relevant d’une qualification pénale.
En droit prospectif, il pourrait être pensé dans cette hypothèse, que la présomption ne s’appliquerait pas puisque le salarié se serait soustrait, par principe, à l’autorité de son employeur lorsqu’il initie une agression physique.
Cela pourrait peut-être s’inspirer des dispositions de l’article D. 242-6-7, alinéa 5, du code de la sécurité sociale sur les agressions avec armes par un tiers non identifié.